Chez Alain
Laparade 

Les guerres de religion (3)

Pendant tout le XVIIe siècle, il y eut à Laparade un ou deux ministres. Le premier en date est Moïse Ferrand, que nous trouvons au Synode national de Montauban, dès 1594. Puis Daniel Ferrand, plus tard pasteur à Bourdeaux, (1621-1661). Ils étaient d'une famille de pasteurs. Le fils de Daniel devint à son tour pasteur de Fauillet, Église récente issue de celle de Tonneins. Deux autres de ses parents furent l'un, pasteur de Monflanquin et l'autre Jean, le dernier pasteur de Nérac.

Daniel Ferrand eut pour successeur Jacques Bardolinlin, venu de Miramont où il exerçait encore en 1620, et comme l'Église, par son étendue, elle comprenait toute la juridiction, et sa Population était devenue fort considérable, on lui donna pour l'aider dans son ministère Étienne Mauras, natif de Laparade, auquel succéda,

en 1649, Daniel Brimhol, ou Brignol, ou de Brignol. Ces trois ministres moururent à Laparade et y laissèrent des descendants.

Brimhol, pendant son long ministère, qui va jusqu'en 1683, eut pour aides Jean Bolduc, d'abord, puis David Geneste natif de Laparade. Enfin, à la veille de la Révocation de l'édit de Nantes, aprés l'abjuration de Brimhol et de Geneste, le Synode de Tonneins (1683) donna Isaac Lédrier, ou de Lédrier de Laparade. Ce jeune pasteur avait été précédemment promis à Gensac. M. Garissoles, ministre de Tonneins-Dessous, fut commis pour lui imposer les mains et M. Lagacherie pour lui donner la main d'association. Ce fut la dernière consécration et le dernier pasteur régulier que l'on vit à Laparade jusqu'au XIXe siècle.

Nous ne savons que peu de chose sur l'histoire religieuse de cette époque. Ici, comme partout, elle paraît dominée par les attaques incessantes du clergé et par les embarras financiers de l'Église.

Dès 1598, Moïse Ferrand eut à soutenir une longue dispute avec Pierre Sauveur, chanoine controversiste bien connu en Agenais. Le pasteur de Laparade, homme d'esprit et de grand savoir, s'en débarrassa par une réfutation en vers qui eut un grand retentissement. D'autres succombèrent, Jacques Vidouze, le pasteur de Grateloup, entre autres, auprès duquel une pension de six cents livres, somme considérable pour l'époque, eut probablement plus de poids que les subtils arguments du fougueux chanoine (Bull., 1907, p. 244).

Nous ne parlons que pour mémoire du payement des dîmes et des difficultés qui s'ensuivaient. Vingt ans avant le célèbre arrêt du parlement de Toulouse condamnant les protestants de Gatuzières à rebâtir le presbytère du curé et qui ouvrait des horizons nouveaux au clergé, celui-ci émit la prétention d'obliger la population toute protestante de Laparade de reconstruire l'église. Le 12 juin 1644, le livre des jurades nous apprend que les consuls : " représentant que le sr Mazar prieur de Nostre-Dame de Houvailier (?) prétendant que les habitants de ce lieu se soi emparé du cimetière et démoli portion de l'esglize les a faits assigner en la cour ou Parlement de Bourdeaux ainsi qu'ils ont fait voir par l'exploit du onzième juin... sur quoy par pluralité de voix les susnommés donnent à sieur Dubosc consul aller à Bourdeaux. "

Dubosc ne réussit pas apparemment dans sa mission, puisqu'elle fut suivie, en juillet, par une nouvelle assignation :

Le 22 juillet " lesquels consuls représentent aux sus-nommés que le sieur Mazar, Pr de Nostre-Dame de Houvallier (?) a fait assigner au Parlement de Bourdeaux, prétendant qu'on luy soy obligé rebastir l'esglize qui fust cause que les consuls ayant assemblé la jurade pour respondre sur ce subject, on fut d'avis de ne pouvoir ".

Mais Mazar était tenace et la jurade finit par décider : " Que la compagnie a jugé qu'on doi M. Brimhol, pasteur, d'aller en la ville de Bourdeaux pour la poursuite, approuvant les susnommés ce qu'il fera " .

Les consuls de cette année, tous anciens de léglise réformée, étaient Jean Roussannes, Jean Messines, Pierre Caubet et Joseph Dubosc. Les familles des trois derniers subsistent, encore. Il est intéressant de savoir que le coût des chaperons consulaires à Laparade était de 100 livres.

 

Et cette fois, Brimhol eut gain de cause auprès du Parlement, après payement des frais, naturellement, qui furent de quarante livres. (Comptes de 1644, liv. des jurades.)

Battu, le clergé ne désarma pas. Il obtint du Parlement, en 1648, en mème temps que la fermeture du collège de Nérac, la restauration du culte catholique à Laparade. Si nous en croyons le témoignage du clergé, ce fut l'occasion d'une grande solennité. L'abbé de Clairac accompagné de vingt prêtres planta la croix sur l'emplacement de l'église et le culte fut désormais célébré dans la vieille tour, dernier vestige du château incendié (Pouillé, op. cit. 116 et 117).

Les protestants de Laparade, très nombreux, ne formèrent pas une communauté riche. La ville sans seigneur, était sans noblesse. Lors du procès-verbal d'inventaire des biens du Consistoire, dressé le 2 mars 1683, la caisse des pauvres ne s'élevait qu'à 411 livres 13 sols environ. Les biens mobiliers, y compris une obligation de 418 livres, ne dépassaient guère 700 livres. Pendant tout le XVIIe siècle, les gages du pasteur furent de 400 livres et les délibérations successives du livre des jurades, nous révèlent avec quelle difficulté on levait cette somme. Ainsi le 1er janvier 1666 les consuls et les jurats constatent dans une longue délibération

" Qu'il a été faits divers rolles pour la levée dimière mais en vain parce que la plus grande partie de ceux qui luy ont promis (M. Brimhol, pasteur,) n'en font aucun compte. Par ce moyen ledit Sr. Brimhol est dans la souffrance, occasion de quoy lesdits consuls ont requis l'assemblée trouver le moyen pour le payement desdits gages et le soulagement du publicq autrement est à craindre que le dit sieur Brimhol quitterait la présente esglize. "

Consuls pour 1666: Hierosme Dubosc, notaire royal, Estienne Montillhaud, André Fassin et Pierre Martinesque. Les jurats, qui étaient les consuls de l'année précédente, sont : Jacob Geneste, Jacob Badeil, Estienne Mandavy et Jacques Sargois de Connort, de Castelmoron, établi à Laparade à la suite de son mariage. - A la fin du XVIe siècle les gages du pasteur étaient payés un moment sur les deniers de la recette de Clairac, par décision de M. de Turenne, lieut. gouverneur de Guyenne. V. la réclamation de Jacques Claude ancien de Laparade, dans la liasse E, suppl. 2135, (F.F.7), Arch. de Clairac.

 

Et le même fait se représentait chaque année. Il serait cependant injuste d'appliquer, aux habitants de Laparade le mot célèbre de Rabaut-St-Etienne : " vous connaissez la lésine de nos Églises ". Les charges étaient très lourdes. Les comptes de la même année nous montrent que la seule contribution royale s'élevait à 2936 livres. Puis il y avait les dépenses locales : 12 livres pour le régent (1), 8 pour l'appariteur sonneur de cloche, l'entretien de l'Hospice, de la Halle ou temple, du pont de Lissau, des portes et fontaines, les dîmes et redevances à l'abbé de Clairac, etc. D'un autre côté une dénonciation, émanant probablement du curé Guérin, estime que les plus riches habitants, Abraham Roze, le chirurgien, n'avait que 300 livres de revenus, Moïse Geneste, 800 livres, et Pierre Caubenque, le plus riche de tous, 1 000 livres. Or, Geneste était taxé à 3 et 4 livres, suivant les années, pour les seuls gages du pasteur.

Le pasteur Brimhol appartenait, lui, à la bourgeoisie de Laparade. Pendant ses 10 années de ministère, il achète des terres et des vignes. En 1694, il se rend encore acquéreur des terres d'Abraham Mérignac et du boucher Jean Malbinot, qui désiraient émigrer. Sa femme, Germaine Loches, était riche. Outre ses gages, il était logé dans une maison du fond de la ville et le Consistoire lui laissait la jouissance de la vigne du " Moulin de Saffin " que lui avait léguée Jacques Badeil en 1656. Il avait acquis aussi une maison et des terres pour son fils Pierre.